« Je lutte sans répit depuis 25 ans contre les prédateurs »
Les attaques de loups ont débuté lorsque Jacques Courron s’est installé dans les Alpes-Maritimes sur l’exploitation familiale. La pression sur le troupeau de brebis a évolué avec les moyens de protection, mais pèse toujours énormément.
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Jacques Courron, à la tête de 550 brebis à Gourdon, dans les Alpes-Maritimes, est tous les ans dans le top 50 des exploitations les plus prédatées. Une distinction dont il se passerait bien. Le 21 juin 2024, il comptabilisait déjà onze attaques « réussies » depuis le début de l’année, soit près de deux en moyenne par mois. La plupart des tentatives des loups sont repoussées car il a installé une armada de moyens de protection en vingt-cinq ans, depuis qu’il s’est installé sur l’exploitation familiale.
Aujourd’hui, le nombre d’animaux tués par attaque a diminué. Il s’agit souvent d’une brebis, mais la « paperasserie » exigée pour obtenir une indemnisation dissuade parfois l’exploitant de déclarer ses animaux prédatés. Depuis le début de l’année par exemple, vingt-six agneaux ont disparu, mais ils n’ont pas tous fait l’objet d’une déclaration et constituent donc une perte nette.
Des moyens de protection qui évoluent
Jacques Courron a beaucoup renforcé le gardiennage de son troupeau, qu’il quitte rarement pendant la journée. Tous les soirs, les brebis avec leurs agneaux sont regroupées dans un parc. « J’ai clôturé 3 ha avec un grillage enterré qui mesure plus de 2 m de haut », explique-t-il. Les loups ne sont jamais entrés, mais des caméras montrent qu’ils rôdent régulièrement autour de l’enceinte.
Les chiens de protection qui « patrouillent » jour et nuit autour du troupeau œuvrent aussi pour les tenir à distance. Ils sont six aujourd’hui, de race berger d’Anatolie, à se relayer. « Leur éducation demande un temps considérable, ajoute-t-il. Même lorsqu’ils sont dressés correctement, le risque d’un conflit d’usage est constant.
Été comme hiver, les randonneurs arpentent en nombre nos sentiers, sachant que notre département compte 1,1 million d’habitants. » Jacques compte bien continuer d’apporter sa contribution aux travaux sur le statut juridique du chien de protection dans le cadre du groupe national loup. Ils ont été interrompus en 2023 et sont très attendus par l’ensemble des propriétaires de ces « molosses ».
Un taux de renouvellement beaucoup plus élevé dans le troupeau
Il est bien difficile, dans ces conditions, de viser des résultats technico-économiques corrects. Le seuil de 0,5 agneau vendu par brebis demandé pour percevoir l’aide à la brebis (prime compensatrice ovine) n’est pas souvent atteint. « Il y a des dérogations, mais les démarches pour obtenir gain de cause sont lourdes », déclare-t-il. Cette règle du seuil apparaît comme une double peine.
Le taux de renouvellement du troupeau est beaucoup plus élevé que dans les exploitations non soumises à la pression des loups. « Il atteint 25 à 27 % pour compenser les brebis mortes ou perdues, alors qu’en fonctionnement normal, 20 % suffisent, explique-t-il. J’achète néanmoins tous les ans des béliers mourérous inscrits pour préserver le niveau génétique. » Le revenu issu du troupeau s’étiole. Il représente environ 35 % du total, contre 65 % pour les primes Pac. Il y a vingt ans, ces dernières ne représentaient que 55 % du revenu.
Un impact sur la santé
La fatigue morale et physique est installée depuis bien longtemps chez Jacques Courron, comme chez l’ensemble des bergers et éleveurs contraints de vivre sous cette pression. La MSA des Alpes-Maritimes, à la demande des professionnels, conduit une enquête pour évaluer l’impact de la prédation sur la santé des bergers et des éleveurs (1). D’autres études pour mieux connaître le prédateur sont également en cours.
« Je vis moins mal la pression qu’au début, reconnaît Jacques Courron. La colère et le manque à gagner sont toujours là, mais je vais continuer à combattre le prédateur. Je regrette beaucoup que les agents de l’État ne fassent pas preuve de neutralité lors des contrôles et sur le dossier du loup en général. J’ai par ailleurs beaucoup d’inquiétudes pour tous les élevages situés en zones de colonisation, et notamment ceux composés de bovins. » Si le problème augmente sur cette production, c’est en partie en raison du renforcement des moyens de protection sur les troupes ovines. « Or, sur les bovins, les moyens de protection sont limités », explique-t-il.
(1) En 2022, une étude financée par la Caisse centrale de la MSA, pendant deux ans, avait montré les effets de la prédation sur la santé des éleveurs et des bergers.
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